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Zoom Afrique du 7 septembre 2023

Zoom Afrique du 7 septembre 2023

Les titres de la rédaction :

  • Namibie : l’hydrogène vert pourrait augmenter le PIB de près d’un tiers, d’ici 2030
  • Sénégal : une société de BTP marocaine remporte des contrats de 108 millions $ pour la construction de deux routes
  • Kenya : vers la création d’un centre de formation numérique des agents publics
  • Afrique de l’Ouest : une formation autour de la culture du riz

Les analyses de la rédaction :

1. Afrique : échec et mat pour l’impérialisme occidental

Tels des dominos, les États africains tombent l’un après l’autre hors des chaînes du néocolonialisme. La Guinée, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et maintenant le Gabon disent « non » à la domination de longue date de la France sur les affaires financières, politiques, économiques et sécuritaires de l’Afrique. 

En ajoutant deux nouveaux États membres africains à sa liste, le sommet de Johannesburg de la semaine dernière annonçant l’élargissement des BRICS 11 a montré une fois de plus que l’intégration eurasiatique est inextricablement liée à l’intégration de l’Afro-Eurasie. 

La Biélorussie propose désormais d’organiser un sommet conjoint entre les BRICS 11, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et l’Union économique eurasiatique (UEEA). La vision du président Loukachenko concernant la convergence de ces organisations multilatérales pourrait, en temps voulu, déboucher sur la Mère de tous les sommets de la multipolarité. 

Mais l’Afro-Eurasie est une proposition beaucoup plus compliquée. L’Afrique est encore loin de ses cousins eurasiens sur la voie de la rupture avec les chaînes du néocolonialisme.   

Le continent est aujourd’hui confronté à d’énormes difficultés dans sa lutte contre les institutions financières et politiques profondément enracinées de la colonisation, en particulier lorsqu’il s’agit de briser l’hégémonie monétaire française sous la forme du Franc CFA – ou de la Communauté financière africaine (CFA). 

Pourtant, les dominos tombent les uns après les autres : Guinée, Mali, Burkina Faso, Niger et maintenant Gabon. Ce processus a déjà fait du président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, un nouveau héros du monde multipolaire, alors que l’Occident, hébété et confus, n’arrive même pas à comprendre le contrecoup de ses huit coups d’État en Afrique occidentale et centrale en moins de trois ans. 

Des officiers militaires ont décidé de prendre le pouvoir au Gabon après que le président hyper pro-France Ali Bongo a remporté une élection douteuse qui « manquait de crédibilité ». Les institutions sont dissoutes. Les frontières avec le Cameroun, la Guinée équatoriale et la République du Congo sont fermées. Tous les accords de sécurité avec la France ont été annulés. Personne ne sait ce qu’il adviendra à la base militaire française. 

Tout cela était aussi populaire que possible : les soldats sont descendus dans les rues de la capitale Libreville en chantant joyeusement, encouragés par les spectateurs.  

Le Gabon est un pays de richesses minérales – or, diamants, manganèse, uranium, niobium, minerai de fer, sans parler du pétrole, du gaz naturel et de l’hydroélectricité. Au Gabon, membre de l’OPEP, la quasi-totalité de l’économie tourne autour de l’exploitation minière.   

Le cas du Niger est encore plus complexe. La France y exploite l’uranium et le pétrole de haute pureté, ainsi que d’autres richesses minérales. Et les Américains sont sur place, exploitant trois bases au Niger avec jusqu’à 4 000 militaires. Le nœud stratégique clé de leur « Empire des bases » est l’installation de drones d’Agadez, connue sous le nom de base aérienne 201 du Niger, la deuxième plus grande d’Afrique après Djibouti.  

Les intérêts français et américains s’opposent cependant dans la saga du gazoduc transsaharien. Après que Washington a rompu le cordon ombilical d’acier entre la Russie et l’Europe en faisant exploser Nord Stream, l’UE, et en particulier l’Allemagne, avait grandement besoin d’une alternative. 

Le gaz algérien couvre à peine le sud de l’Europe. Le gaz américain est horriblement cher. La solution idéale pour les Européens serait le gaz nigérian traversant le Sahara puis la Méditerranée profonde. 

Le Nigeria, avec 5,7 milliards de mètres cubes, possède encore plus de gaz que l’Algérie et peut-être même que le Venezuela. À titre de comparaison, la Norvège dispose de 2 000 milliards de mètres cubes. Mais le problème du Nigeria est de savoir comment pomper son gaz pour l’acheminer vers des clients éloignés, ce qui fait du Niger un pays de transit essentiel.  

En ce qui concerne le rôle du Niger, l’énergie est en fait un enjeu bien plus important que l’uranium souvent évoqué – qui n’est en fait pas si stratégique que cela pour la France ou l’UE, car le Niger n’est que le cinquième fournisseur mondial, loin derrière le Kazakhstan et le Canada. 

Néanmoins, le cauchemar français ultime serait de perdre les juteux accords sur l’uranium, ainsi qu’un remix du Mali : la Russie, post-Prigojine, arrivant au Niger en force avec une expulsion simultanée des militaires français. 

L’ajout du Gabon ne fait que compliquer les choses. L’influence croissante de la Russie pourrait permettre de renforcer les lignes d’approvisionnement des rebelles au Cameroun et au Nigeria et d’obtenir un accès privilégié à la République centrafricaine, où la présence russe est déjà forte.  

Les Américains, dans l’état actuel des choses, jouent au Sphynx. Jusqu’à présent, rien n’indique que les militaires nigériens souhaitent la fermeture de la base d’Agadez. Le Pentagone a investi une fortune dans ses bases pour espionner une grande partie du Sahel et surtout la Libye. 

La seule chose sur laquelle Paris et Washington sont d’accord, c’est que, sous le couvert de la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), les sanctions les plus sévères possibles devraient être imposées à l’un des États-nations les plus pauvres du monde (où seulement 21 % de la population ont accès à l’électricité) – et elles devraient être bien pires que celles qui ont été imposées à la Côte d’Ivoire en 2010.  

Et puis il y a la menace de la guerre. Imaginez l’absurdité de l’invasion par la Cédéao d’un pays qui mène déjà deux guerres contre le terrorisme sur deux fronts distincts : Contre Boko Haram dans le sud-est et contre Daech dans la région des trois frontières. 

Les Français et les Américains ont d’abord voulu que la Cédéao envahisse le Niger en tant que leur marionnette de « maintien de la paix ». Mais cela n’a pas fonctionné en raison de la pression populaire et surtout le soutien de deux pays voisins, le Mali et le Burkina Faso. Ils ont donc opté pour une forme de diplomatie. Néanmoins, les troupes restent en attente et un mystérieux « jour J » a été fixé pour l’invasion. 

Le rôle de l’Union africaine (UA) est encore plus obscur. Dans un premier temps, elle s’est opposée au coup d’État et a suspendu l’adhésion du Niger. Elle a ensuite fait volte-face et condamné l’éventuelle invasion soutenue par l’Occident.  

La politique occidentale dans le maelström du Sahel semble consister à sauver tout ce qui peut l’être d’une éventuelle débâcle totale, alors même que les populations du Niger sont imperméables à tous les discours que l’Occident tente de concocter. 

Il est important de garder à l’esprit que le Pentagone tente de s’implanter profondément en Afrique de l’Ouest. Depuis le début des années 2000, le principal concept des États-Unis a toujours été de militariser l’Afrique et d’en faire une matière première pour la prétendue guerre contre le terrorisme. C’est la base du commandement militaire américain AFRICOM et d’innombrables « partenariats de coopération » établis dans le cadre d’accords bilatéraux. À toutes fins utiles, l’AFRICOM occupe de larges pans de l’Afrique depuis 2007. 

La France a montré à quel point il est facile de contrôler les ressources en contrôlant la politique monétaire et en établissant des monopoles dans ces pays riches en ressources afin d’extraire et d’exporter, en utilisant une main-d’œuvre quasi-esclave sans aucune réglementation environnementale ou sanitaire. 

Il est également essentiel pour le néocolonialisme d’exploitation d’empêcher ces pays riches en ressources d’utiliser leurs propres ressources pour développer leurs propres économies. Mais aujourd’hui, les dominos africains disent enfin : « Le jeu est terminé ». Une véritable décolonisation se profile à l’horizon.

2. Burkina : « notre souveraineté est menacée par le terrorisme et par l’impérialisme » 

Au Burkina Faso, comme ils ont coutume de le faire tous les premiers lundis du mois depuis un certain temps dès que l’occasion le permet, des travailleurs de la Primature réunis autour du Premier ministre, Me Apollinaire Kyelem de Tambela, ont procédé à une cérémonie de montée des couleurs lundi 4 septembre 2023 à Ouagadougou. 

Devant ses collaborateurs, Me Apollinaire Kyelem de Tambela, Premier ministre du Burkina Faso a laissé entendre que le Pays des Hommes intègres est à un tournant décisif de son histoire pour reconquérir sa souveraineté tant recherchée. Parce que cette souveraineté est actuellement menacée non seulement par le terrorisme, mais par l’impérialisme international. 

Pour le terrorisme, comme vous le savez, nous sommes engagés dans cette lutte et nous pensons que bientôt, elle sera gagnée. Pour ce qui est de l’impérialisme international, vous-mêmes, vous êtes témoins de ces derniers soubresauts tant ici au Burkina Faso que dans la sous-région », a-t-il dit. 

Il a poursuivi que nombre de Burkinabè leur demandent si la souveraineté dont ils parlent, ils la vivent dans leurs faits et gestes et surtout dans leur prise de décisions. « En tout cas depuis le gouvernement du président Traoré, aucune puissance ne peut interférer dans les décisions que nous prenons. Les décisions qui se prennent librement en toute souveraineté. Nous pouvons nous tromper, mais nous les prenons librement pour l’intérêt de notre pays et de notre peuple. Sur ce plan, je peux vous garantir, la souveraineté politique du Burkina Faso est actuellement pleine et entière », a-t-il assuré. 

Toutefois, il dit qu’il ne peut pas rassurer que cette souveraineté reste intacte comme elle l’est aujourd’hui. Pour lui, tout dépendra de ceux qui viendront après la transition, s’ils veulent marcher dans les sillons qu’ils sont en train de tracer. « S’ils n’ont pas la même motivation, l’impérialisme pourra revenir peut-être que d’une manière plus forte », a-t-il avancé. 

Le chef de l’Exécutif burkinabè a rebondi sur les coups d’État au Niger et au Gabon. « Mais dans la sous-région, vous avez vu qu’il y a eu un coup d’État au Niger. Et au nom de la démocratie, certains sont prêts à livrer une bataille pour remettre à sa place, l’ancien président déchu. Alors je voudrais vous dire une chose : quand on parle de la démocratie, il ne faut pas vous laisser leurrer (…). 

Car il y en a qui sont de mauvaise foi. Et qui parlent de démocratie que pour chercher à en abuser d’autres pour atteindre leur fin. La démocratie, toutes les sociétés ont toujours vécu en démocratie. Depuis que l’être humain a constitué la première cellule familiale, la démocratie était là », a-t-il soutenu. 

Il a ajouté que toutes les sociétés, quelle que soit la forme de pouvoir sont constituées sur la base de la démocratie. Selon le Premier ministre, vous ne pouvez pas devenir un chef d’un quelconque village si vous n’avez pas le consentement de vos sujets. « Vous ne pouvez pas être un monarque si vous n’avez pas le consentement de vos sujets. Avant la pénétration coloniale, nous avions des organisations sociales, nous vivions en harmonie, parce qu’il y avait la démocratie (…). 

“Maintenant ce qu’on veut nous faire croire c’est qu’il y a une seule forme de démocratie au monde et que tout le monde doit aller vers cette démocratie-là. Ça, c’est faux. Même ceux qui tentent de nous le faire croire chez eux, ils ont plusieurs formes de démocraties. La France est une république, le Royaume-Uni est une monarchie, si vous prenez le Danemark, la Suède, les Pays-Bas, la Belgique, ce sont des monarchies. Les USA sont une république, mais organisée différemment de la France. L’Allemagne est une république, mais organisée différemment de la France. Pourquoi nous, nous n’aurions pas le droit de nous organiser comme nous le voulons ?”, a-t-il questionné. 

Et de poursuivre : “Pourquoi c’est à quelqu’un d’autre de venir nous dire comment nous devons nous organiser ? (…) Vous avez vu qu’après le coup d’État du Niger, on a voulu constituer une armée internationale pour aller combattre et restaurer Bazoum. Il y a eu un coup d’État au Gabon, on n’a pas tout ce trémolo. Où est le président français, le président qui s’est érigé en chef de guerre pour aller combattre et rétablir le président renversé du Niger ? Qu’est-ce qu’il dit ? Qu’est-ce qu’il fait de ce qui se passe au Gabon ? Donc il y aurait des coups d’État démocratiques et des coups d’État non démocratiques ?”, se demande le PM. 

3. Niger : Paris capitule… 

De “la France ne peut y répondre favorablement que si la demande était faite par les autorités légitimes démocratiquement élues dont le chef, le président élu Mohamed Bazoum a été renversé et fait otage par les militaires” aux “échanges en cours” pour obtenir un départ rapide des soldats français du Niger – tel qu’indiqué lundi, 4 septembre 2023 lors d’un point de presse, par le Premier ministre nigérien, il n’y a eu qu’un pas que la France a vite fait de franchir. 

Ce n’est pas exactement ce à quoi le Niger s’attendait, mais c’est déjà cela. Voir la France échanger, comme l’ont confirmé mardi certains médias, sur la question de l’éventualité que ses soldats quittent le sol nigérien, pas à la demande des autorités légitimes, mais de celles qui ont pris le pouvoir par la force et qui l’exercent conformément à… la loi. Comme tous ceux dont la France a par le passé parrainé, avalisé, cautionné les coups d’État militaires, constitutionnels ou politiques contre leurs peuples en Afrique. 

Une pression exercée sans relâche par le nouveau pouvoir nigérien et la population particulièrement futée et courageuse. Une démarche qui a finalement payé. 

Les médias ont ainsi appris hier que la France qui croyait pouvoir se réfugier derrière des subterfuges juridiques pour rester militairement et diplomatiquement au Niger va devoir se faire à l’idée que bientôt et très rapidement, ses soldats vont débarrasser le plancher, en attendant que son ambassadeur, Sylvain Itté, qualifié par le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine, de “partenaire non valable” leur emboîte le pas. 

La mise à la porte de la France du Niger est un véritable coup pour la stratégie française dans la région. Et cela d’autant plus qu’après les coups d’État au Mali et au Burkina Faso les militaires de ces pays se sont retournées vers d’autres partenaires sécuritaires comme la Russie ou encore l’Iran. C’est cette voie que semblent emprunter les militaires nigériens. Autre inquiétude importante : si les militaires affirment leur pouvoir au Niger, tout le monde craint que la prochaine pièce du domino soit le Tchad, véritable pièce maîtresse de la stratégie sécuritaire française dans la région et de l’opération Barkhane : au moment de son déploiement, le poste de commandement interarmées avait été placé à N’Djamena. Tout cela explique sans aucun doute l’attitude hostile et belliciste que la France a adoptée dans le dossier nigérien. 

Les dirigeants français entendent faire passer l’idée que le mécontentement des populations africaines à l’égard de la France et la montée du soi-disant “sentiment anti-français”, qui est en réalité un sentiment anti-impérialisme serait simplement l’œuvre de courants politiques et d’agents pro-russes et pro-chinois dans ces pays. Or, la réalité c’est que l’attitude arrogante et coloniale de l’impérialisme français explique largement cette situation. Non seulement il y a une abominable “histoire commune” de domination politique et financière, d’exploitation, d’oppression et de pillage de ressources par l’impérialisme français (ce n’est pas un hasard que les pays du Sahel soient parmi les plus pauvres au monde), mais il faut ajouter à cela que ces dernières années la France a mené des opérations militaires sans même tenir compte de l’opinion de la population et des dirigeants africains. Souvent la politique barbare de la France au Sahel allait à l’encontre de l’opinion de secteurs des classes dominantes locales qui prônaient une approche plus négociée.  

Ce sont ces erreurs de l’impérialisme français qui mettent en danger ses positions dans la région.  

Les États-Unis, qui souvent soutiennent les opérations françaises dans la région ont eux-mêmes pris leurs distances vis-à-vis de la France afin de vouloir s’implanter à leur tour et prendre la place de la France. 

Le bloc anti-impérialiste qui s’est créé dans l’Afrique de l’Ouest comprenant dans un premier temps, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, est en train, à lui tout seul, de mettre en déroute le monde occidental. Imaginez ce que ça serait avec la formation des “États-Unis d’Afrique”. 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV